Cette dernière journée fût un peu particulière, abordée dans le stress d’un départ précipité. Nous avons fait nos valises la veille, rendu notre logement au petit matin, organisé le voyage en bus à Cordoba pour partir dans la soirée. Difficile de se concentrer, de s’inscrire dans l’instant, alors que toute mon attention doit être là pour cette dernière manche.

Pour cette ultime course au but, un ciel allumé comme jamais avec de belles lignes se dessinant en plaine. Pour sûr, la compétition se terminera avec une 5ème manche. Un seul obstacle météo, le vent de nord annoncé entre 15 et 20 km/h suivant les prévisions.

50 km en local nous sont proposés. Un start au relief, une balise à gauche, une autre à droite, une traversée de la plaine avant d’aller faire un goal à l’aérodrome. Une petite distance pour ne pas terminer trop tard.

Sur la carte, une belle option est à prendre : aller se placer de l’autre côté du cylindre de START et gagner 4 km sur la première balise. La deuxième se décidera une fois en vol, un retour par la plaine ou le relief.

Je décide de décoller tôt pour avoir le temps d’aller me placer de l’autre côté de ce START. Avec Chris, nous sommes les premiers à rejoindre la zone d’attente. Nous attendons nos camarades, qui arrivent au compte-goutte. Au final, nous serons seulement une dizaine à avoir choisi cette option. Le thermique est puissant et nous expulse au nuage en quelques secondes, nous faisons le tourniquet, rentrons et sortons de l’ascenseur, calculant le timing pour être au 10ème étage à 15h pétante, heure d’ouverture du start. Cette attente me parait interminable, les conditions éprouvantes commencent à me donner la nausée, je regarde les secondes défiler. Je sais qu’à l’ instant où le chrono sera lancé, mes appréhensions laisseront place à l’euphorie de la course, la boule poignant mon estomac s’envolera, mon pilotage deviendra automatique et ma concentration orientée vers un une seule tâche : avancer.

Mina Clavero : Dernière manche

La course est lancée, debout sur le barreau, le long de la crête, nous validons la première balise, demi tour et 4 km plus loin, nous validons la seconde. Nous décidons de prendre l’option relief pour rejoindre la troisième balise, toujours accéléré, relâchant le barreau dans les gros déclenchements, nous croisons les pilotes sur notre route alors qu’ils valident seulement la première balise. Dans les 10 petits génies que nous sommes, seulement quelques uns décident de passer par la plaine. Je prends la tête, à ma droite Sylvain, à ma gauche Franck, pas loin derrière Boboche. Un cavalcade entre français. A l’assaut !

Mina Clavero : Dernière manche

Les nuages matérialisent la masse d’air, les oiseaux nous indiquent les meilleurs noyaux. Une fois expulsés au plaf, j’augmente le rythme, collée au nuage, je me dirige vers cette avant dernière balise. Il reste 15 km. Nous ne voyons pas encore les autres. On y croit. On est là. Avec une avance considérable. Ca va le faire.

Mina Clavero : Dernière manche

Je quitte le nuage lorsqu’il reste 3 km pour atteindre le cylindre, et croyez moi, ce fût sûrement les 3 kms les plus longs de ma vie. Le nord qui jusqu’à présent ne nous avait pas trop dérangé vient nous enquiquiner, à 25km/h dans du -3, je me retrouve à une altitude critique une fois la balise passée. Objectif : monter. Mental : oublier la course. Tactique : trouver un thermique, peu importe sa force, reprendre de l’altitude puis une fois sortie de la basse couche ; chercher la meilleure VZ. Je trouve un +1, je m’y accroche. Mon + 1 s’améliore et gagne en intensité. Je reprends 200m et vois des oiseaux au vent du relief, je lâche mon thermique pour les retrouver. Sous eux rien, même pas de quoi faire monter un moustique. Je papillone. Les cums s’amincissent, certains disparaissent, les survivants se font brosser par le vent. Je ne trouve pas de quoi monter, les poursuivants arrivent, je sens le stress s’intensifier, sans parler de ma vessie qui éveille en moi une sensation d’urgence et réveille le sentiment de précipitation connu au petit matin.

Boucler la manche n’est pas gagné, après 5 journées de vol sur ce site, je commence à connaitre ses vices et aléas, et pourtant je manque de lucidité. J’aurais du conserver mon thermique anémique au lieu d’aller chercher un cum au vent. Le temps que je parvienne jusqu'à lui, il n’est plus que fumé, évaporé dans le lit du vent, je me pose sous les quelques gouttelettes d’eau matérialisant le souvenir d’un nuage.

Seulement 3 pilotes au goal, le reste de la compétition se pose en plaine, dans les 10 kilomètres restant.

Quelle beau début de manche, partagé avec les amis. On y a cru jusqu’au bout. Je n’ai pas rêvé que je faisais une de mes plus belles échappées, je l’ai fait. J’ai osé rêver que je la concrétisais. Certains vous diront que l’important n’est pas tant de rêver mais de pouvoir les réaliser. Les grands rêveurs vous diront que le rêve se suffit à lui-même. Après cette longue semaine faite de difficulté, je crois que celui ci se suffit à lui même.

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